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Les arbres en été, l’heure du farniente ?

 Les infos importantes

·        Les arbres préparent les bourgeons qui débourreront le printemps suivant : de vrais planificateurs !

·        Ils font le plein de sucres pour se développer et se chargent de faire mûrir leurs fruits pour en libérer les graines.

·        Les arbres activent leur production de bois pour former de nouveaux cernes et leurs branches prennent un tour de taille.

·        Ils commencent l’acclimatation à l’hiver en s’endurcissant grâce à la mise en dormance de leurs bourgeons nouvellement créés.

·        Les feuilles et leurs stomates essaient de réguler la température lors de sécheresse même si un des risques premiers lors de ces évènements est l’embolie gazeuse.

L’arbre saisonnier

Le printemps sonne le début de saison pour les arbres de nos forêts tempérées. Comme nous l’avons vu précédemment dans l’article sur le renouveau des arbres au printemps, c’est à cette saison que la forêt semble s’éveiller après des mois de dormance hivernale.

De nombreux phénomènes bouleversent les géants de la forêt, du débourrement des bourgeons à leur reproduction. Mais que se passe-t-il durant la période estivale, les arbres deviennent-ils oisifs, prennent-ils du bon temps au soleil ? Bien au contraire !

Les arbres sont réglés sur le cycle des 4 saisons, chaque année à la même période se reproduisent les mêmes phénomènes. L’été étant la période de l’année (et de loin !) la plus ensoleillée, les arbres font le plein de soleil et se livrent une guerre féroce entre eux pour y avoir accès et ainsi garantir leur survie. Grâce à cette ressource lumineuse, les arbres se développent et font des réserves de sucres (issus de la photosynthèse) dans leurs leur bois pour emmagasiner l’énergie dont ils n’ont pas besoin dans l’immédiat. Ils pourront s’en servir lors des moments difficiles de l’hiver.

La préparation des nouveaux bourgeons

Les arbres sont des as de la planification. Un an en avance, ils prévoient la préparation des bourgeons et pousses qui débourreront et verront le jour au printemps suivant.

C’est grâce au méristème que l’arbre crée ses bourgeons et donc grandit toute sa vie. Le méristème est en effet le tissu végétal de type embryonnaire essentiel à toutes les plantes pour leur développement (presque) infini. Il est chargé de la croissance en longueur des branches et des racines. 9 mois avant le printemps le méristème a déjà préformé le bourgeon grâce à la création de feuilles qui se transforment en écailles pour que le bourgeon survive à l’hiver.

Cependant certaines espèces d’arbres tel que le chêne, se développent en plusieurs vagues au cours de l’année. La première vague est celle du printemps, puis en juin, avec les premières chaleurs l’arbre débourre une seconde fois, comme s’il s’agissait d’un deuxième printemps et peut reproduire ce phénomène une nouvelle fois à la fin de l’été avant d’entrer dans sa phase de dormance.

La confection des fruits et graines

L’été est synonyme de sucres pour l’arbre. En effet, les fruits, les ovules fécondés de l’arbre, alimentent la graine en sucres tout au long de sa maturation.

Ils sont appelés organes-puits car ils se nourrissent des sucres de la sève produites par les organes-sources : les feuilles.

Les graines ont besoin d’une grande quantité de sucres issus de la photosynthèse pour se développer et devenir attrayantes pour les disséminateurs qui les consomment et les dispersent. C’est particulièrement le cas pour les fruits charnus qui ont besoin d’attirer les oiseaux et mammifères qui vont se charger de disséminer les graines. Pour cela, le fruit vert (plein de chlorophylle avec un faible taux de sucre) doit subir de multiples transformations pour devenir comestible et attrayant pour les animaux. Il fait appel pour cela à l’éthylène, une hormone végétale responsable des changements de texture, de couleur et de goût dans le processus de murissement des fruits. Plus le fruit prend de l’âge, plus la quantité d’éthylène augmente. L’éthylène étant volatile, elle se déplace au sein des fruits d’un même arbre pour synchroniser leur maturation. Lors de cette étape, les sucres s’accumulent dans le fruit qui créent des arômes et parfums attrayants signalant le fort taux de sucre et la présence de la graine arrivée à maturité. Ils se colorent pour être vus par les animaux qui s’en délectent.

Une fois les fruits arrivés à maturité, l’arbre stocke le reste de ses réserves carbonées à l’intérieur de son tronc dans le xylème. Cela lui permettra ainsi d’avoir assez d’énergie pour débourrer ses bourgeons déjà préformée au printemps. En effet, sans feuilles l’arbre n’a pas de ressource pour fabriquer des sucres grâce à la photosynthèse.

© Fauvette à tête noire et baies de sureau – Claude Balcaen – Biosphoto

Les branches prennent de l’épaisseur

Les branches cherchent année après année à s’élever un peu plus haut dans le ciel dans le but d’obtenir le plus de lumière possible. Ces dernières doivent également prendre un tour de taille plus important pour s’adapter au poids grandissant des feuilles et petites branches qui viennent s’ajouter chaque année. C’est le rôle du cambium, aussi appelé seconde écorce, qui renferme les cellules méristématiques secondaires responsables de la formation du bois dans l’arbre.

Pour les espèces d’arbres à zones poreuses, contenant des vaisseaux de gros diamètres où la sève circule vite comme le châtaignier ou le chêne par exemple (à l’inverse les espèces à pores diffus comme le hêtre, le bouleau ou encore le tilleul ont des vaisseaux d’un diamètre bien plus petit dans lesquels la sève circule bien moins rapidement), deux bois différents sont créés au cours de l’année : le bois de printemps et le bois d’été.

Le bois de printemps ou bois initial est composé de gros vaisseaux qui permettent un transfert important d’eau indispensable pour irriguer les extrémités de l’arbre. Au moment de l’été, le cambium se transforme pour ne plus fabriquer que de petits vaisseaux bien plus dense et plus rigide que l’on appelle le bois d’été ou bois final. C’est à cause de la réduction (dû aux conditions météos) de la quantité d’eau dans le sol que le cambium change sa configuration et produit un bois bien différent. Ces différences de densité sont observables sur les cernes d’un chêne.

La fin de l’été sonne l’arrêt de la production de bois pour se consacrer uniquement à la confection des bourgeons et des réserves pour l’hiver.

© Cernes de chêne alternance bois de printemps et d’été – H.Curtis – Biosphoto

L’endurcissement et l’aoûtement

L’arbre prévoit bien à l’avance les adaptations nécessaires à la rudesse du futur l’hiver. C’est un être poïkilotherme, dit à sang froid : sa température interne varie avec celle de son milieu, il craint donc tout particulièrement le gel.

Chaque année, il doit repasser par les mêmes étapes entre la fin de l’été et le mois d’octobre afin de s’endurcir. Ce procédé d’acclimatation s’appelle l’aoûtement.

Durant deux mois, à partir de juillet, l’arbre occupe la majeure partie de son temps à anticiper la saison froide. Il commence cette préparation par la mise en dormance des bourgeons confectionnés en juillet. On appelle cette dormance une endodormance car rien ne pourra réveiller les bourgeons avant leur terme, même des températures estivales à l’automne. Les bourgeons sont ainsi protégés grâce à une barrière installée entre le méristème du bourgeon (tissu végétal de type embryonnaire essentiel à toutes les plantes pour leur croissance) et le reste de l’arbre.

Ensuite, l’arbre cesse les échanges nutritifs au sein de ses cellules afin de ralentir son métabolisme en coupant les voies de communication.

A l’automne, cet endurcissement continue afin que l’arbre soit paré au début de l’hiver à toutes les éventualités.

Le rôle des feuilles

Comme nous l’avons vu précédemment, les feuilles sont les organes-sources de l’arbre, elles apparaissent au printemps pour les feuillus. Grâce à elles, l’arbre puise son énergie pour s’élancer toujours plus haut dans le ciel. Les feuilles abreuvent l’arbre en sucre mais elles lui servent également de poumons. Les feuilles servent aussi en été de système de refroidissement grâce à l’eau qui s’en évapore lorsqu’elles chauffent au soleil. Les feuilles sont constituées d’une multitude de stomates, situés sur leur face intérieure, par lesquels s’effectuent les échanges gazeux de la plante, de sa respiration à la photosynthèse. L’été, comme nous allons le voir, les stomates jouent un rôle fondamental pour la survie de l’arbre lors de fortes chaleurs.

Sécheresse

Les sécheresses sont caractérisées par un manque d’eau sur une longue durée qui laissent des marques sur la faune, la flore et les écosystèmes. Ces sécheresses peuvent être causées par différents facteurs comme de faibles précipitations, un manque d’eau dans les sols et les nappes phréatiques, et sont de plus en plus fréquentes avec le changement climatique.

L’eau structure toute la vie de l’arbre, de sa croissance à la montée de sève, en passant par la fabrication de la matière organique. La sécheresse perturbe donc complètement la préparation de l’arbre à l’hiver, il ne peut plus faire ses réserves pour cette saison froide faute de ressources nécessaires. Lors d’une sécheresse, il se retrouve en déficit hydrique car il perd bien plus d’eau en se refroidissant avec les feuilles qu’il n’en pompe par ses racines. Les cellules se déshydratent donc et perdent ainsi leur pression interne, c’est alors que l’arbre ferme ses stomates.

Même si cette technique est efficace pour stopper le déficit hydrique, elle a de fortes répercussions sur la vie de l’arbre empêchant de faire entrer du CO2 et de l’oxygène tout en l’empêchant de se refroidir à travers ses feuilles. L’arbre peut donc réagir d’une autre manière en ouvrant ses stomates tout en s’adaptant le plus possible à la déshydratation en augmentant l’entrée d’eau par ses racines, on appelle cela l’ajustement osmotique.

Un des risques directs lié à la sécheresse pour l’arbre (outre le stress hydrique qui attire bon nombre de ravageurs) est l’embolie gazeuse. Quand le sol est très sec, la tension augmente dans le bois car l’arbre a besoin d’évacuer une grande quantité d’eau, ce qui crée alors un fort risque de cavitation. La cavitation est l’entrée d’air dans les vaisseaux où circulent l’eau. C’est alors l’embolie gazeuse, si de nombreux vaisseaux sont concernés en même temps cela entraîne la mort de l’arbre. L’embolie gazeuse est une des causes principales de mortalité lors de sécheresse.

© Embolie gazeuse chez un hêtre – Yann Avril – Biosphoto

L’été n’est donc pas une saison de tout repos pour l’arbre d’autant plus que les changements climatiques qui modifient son environnement ne vont cesser de le soumettre à des conditions de plus en plus difficilement viables.

Nous verrons le mois prochain l’impact ancestral des feux de forêts sur le développement des arbres et les nouveaux risques liés à leur multiplication.

Sources

Les arbres en été – Extrait du Livre de Catherine Lenne – Dans la peau d’un arbre

The forest academy – cycle de vie arbre

ONF – Influence de l’été sur l’arbre

INRAE – Arbres, forêts, sécheresse

L’importance des vieux arbres et du bois mort 2 : fonctions et actions de conservation

Les fonctions du bois mort en forêt

En plus d’héberger et de nourrir bon nombre d’habitants, le bois mort a de multiples fonctions vitales pour les écosystèmes forestiers. Nous avons vu dans l’article du mois passé l’importance des vieux arbres et du bois mort en forêt pour la biodiversité forestière et plus particulièrement pour les insectes, champignons et autres oiseaux cavicoles qui en dépendent.

Voyons à présent les autres fonctions qu’ont ces vieux arbres et ce bois mort en forêt.

Tout d’abord, le bois mort est un réservoir d’eau pour la forêt, le bois en décomposition emmagasine une grande quantité d’eau. L’humus est ainsi humidifié et cela permet à la forêt de mieux gérer les sécheresses.

Le bois mort empêche également l’érosion, les chutes de pierres, ou encore les avalanches. De plus, en montagne particulièrement, s’opère une régénération sur les souches et les troncs couchés. En effet, ces éléments représentent un substrat idéal pour donner vie à de nouveaux arbres. Ils fournissent des nutriments en abondance aux jeunes arbres grâce à leur bois gorgé d’eau.

Les épicéas sont particulièrement actifs en termes de régénération. Cependant ce phénomène n’est possible que si le bois a passé 15 à 30 ans au sol. Le bois trop frais empêche la germination de nouveaux plants. Il est donc nécessaire de programmer sur le long terme la mise en place de ces lits de germination.

Enfin, le bois mort stocke le carbone en grande quantité. Selon l’Institut suisse de recherche sur la forêt, la neige et les paysages, les forêts d’Europe centrale absorbent 1.4 tonnes de carbone par hectare et par an. Ce carbone est conservé dans le bois mort jusqu’à sa décomposition totale où une partie migre dans l’humus et l’autre est minéralisée. La proportion relâchée dans l’atmosphère est donc largement compensée par la grande quantité de CO2 que l’arbre a puisé lors de sa croissance.

Les vieux peuplements d’arbres accumulent du CO2 depuis des décennies voire des siècles, ils ont donc en réserve des quantités bien supérieures à celles des jeunes plantations.

© Chênes – Oscar Diez Martinez

L’épopée du bois mort à travers les siècles

L’utilité du bois mort n’est aujourd’hui plus à prouver. Cependant le bois mort n’a pas toujours eu sa place en forêt. Il fut considéré durant des décennies, au XVIIème siècle, comme ennemi de la forêt. Quelques siècles auparavant, la récolte de bois mort en forêt était très réglementée : une autorisation préalable du propriétaire de l’espace boisé était nécessaire et devait se faire sans outils. Le bois mort devait être ramassé avec parcimonie à la main. Les temps modernes ont amené la gestion forestière et donc la rationalisation des ressources. Le bois mort devient persona non grata en forêt, il est considéré différemment des arbres vivants. Ces derniers sont favorisés pour que leur croissance soit la plus rapide et donc la plus rentable possible. Il faudra attendre les années 1990 pour que le bois mort retrouve la place qui est la sienne dans les forêts françaises. Ce n’est qu’en 1993 que l’ONF décide de maintenir des vieux arbres (“au moins un par hectare”) pour développer la biodiversité.

La gestion forestière sans bois mort a cependant laissé des traces sur cette biodiversité que l’on peut difficilement mesurer. Privés durant des siècles de bois pourrissant, d’organismes xylophages et saproxyliques, bon nombre d’entre nous se sont habitués à des forêts gérées et “propres”, le bois mort à terre ou les vieux arbres font désordre dans les rangées bien alignées des forêts françaises exploitées.

Il est temps que les regards et les actions évoluent sur la conservation des vieux arbres et du bois mort.

De nos jours, nous pouvons donc observer de plus en plus de bois mort sur pied en forêt. Ce dernier se caractérise par son absence de vie au-delà d’1m30. Les chablis (arbres déracinés) peuvent aider la régénération naturelle de la forêt grâce à la trouée de lumière qu’ils provoquent en chutant. Ils créent des systèmes de “creux/bosses” qui permettent au sol une forte diversification en termes de profondeur, d’exposition ou encore d’humidité : la biodiversité sera plus diversifiée et la quantité de biomasse sera plus élevée. Laissés au sol, ces chablis peuvent mettre des décennies, voire des siècles à disparaître naturellement. S’ils sont retirés des forêts, cela a au contraire un effet néfaste sur la biodiversité et la régénération des sols.

Ce n’est pourtant pas ces bois morts sur pied que l’on retrouve le plus en forêt mais le petit bois mort au sol (branches, jeunes troncs de moins de 20 cm de diamètre). Ce dernier abrite néanmoins bien moins d’espèces compte tenu de sa petite taille mais il contribue largement à la santé des sols.

La conférence de Vienne a établi en 2003 six indicateurs de biodiversité ; la présence de bois mort en fait partie. Selon l’inventaire forestier de l’IGN, la quantité de bois mort au sol est de 263 millions de m3 (17m3 au sol par hectare de forêt) et de 119 millions (7.6 m3 par hectare) pour le bois mort sur pied et les chablis. Cela représente aux alentours de 5% du volume de bois vivant. C’est dans le centre et l’est de la France que cette quantité est la plus élevée.

Ce bois mort est généralement regroupé en andains par les forestiers afin de favoriser la circulation et le passage des engins, d’autres laissent uniquement le petit bois et les souches en place. Cependant, pour obtenir une meilleure régénération naturelle de la forêt, il est préconisé de laisser le bois mort là où il est tombé.

© Chablis de Hêtre – Denis Bringard

Les vieux arbres et le bois mort : une ressource à conserver

Il existe deux manières de déterminer la quantité de bois mort nécessaire à la forêt et aux espèces qui en dépendent. La première consiste à observer les forêts naturelles qui sont des références de gestion forestière au plus près de la nature et d’y mesurer le volume de bois mort. Cependant, en Europe il existe peu de forêts naturelles où l’homme n’a pas imprimé sa trace (à l’exception de certaines dont la forêt primaire de Bialowieza).

L’autre technique consiste à s’adapter aux besoins des organismes saproxyliques. Une étude sur le sujet est parue en 2010 (Müller et Bütler). Il y est question de chiffrer des seuils minimums de bois mort pour les espèces dépendantes. Leur conclusion établit qu’une grande partie des espèces peuvent subsister à partir d’un volume de bois mort de 20 à 50 m3/hectare. Des efforts d’augmentation du bois mort sont donc à réaliser dans nos forêts pour arriver à ces niveaux de base.

Cependant ces seuils sont insuffisants pour la conservation d’autres espèces plus gourmandes qui nécessitent au moins 100 m3/ha. Par exemple, les oiseaux qui sont dépendants des cavités pour y pondre ont besoin de 141 m3/ha de bois mort pour survivre.

Les espèces saproxyliques ne dépendent pas uniquement de la quantité mais aussi de la qualité du bois mort disponible au sein d’une forêt comme l’essence, le diamètre du bois ou le stade de décomposition. En effet, certains insectes xylophages ne s’intéressent qu’au bois mort frais ou aux petites branches, ces réserves ont donc besoin d’être renouvelées fréquemment.

Les espèces saproxyliques étant généralement spécialisées, ce sont soit des colonisateurs de conifères soit de feuillus ; la diversité des essences est donc fondamentale. Il convient également de laisser de grosses pièces de bois mort, ces dernières étant plus hétérogènes dans leur offre d’abris compte tenu des stades de décomposition différents selon l’activité des décomposeurs. Ainsi, on ne peut remplacer une faible quantité de bois mort au sol par une grande quantité de petits bois morts.

D’autre part, le bois mort ne cesse de se transformer selon ses différents stades de décomposition (allant du bois frais à l’humus). Les organismes qui vivent sur ce bois doivent donc changer fréquemment d’habitat, ceux-ci ne sont pas permanents. Il est donc important d’avoir du bois mort dans tout le massif forestier afin que les insectes et autres décomposeurs, puissent aller d’un habitat à un autre.

Une mise en place de corridors écologiques permet la connexion de diverses populations d’insectes (évitant ainsi des problèmes de consanguinité) et donc leur subsistance au sein de la forêt.

Ainsi, sont mis en place des îlots de sénescence. Ces îlots sont des surfaces de forêt où l’homme n’intervient plus, où la nature suit son évolution naturelle jusqu’à la mort des arbres et la régénération du massif. Ils ne doivent pas être confondus avec les îlots de vieillissement qui ne sont conservés que de manière provisoire.

© Sapin – Christophe Sidamon-Pesson

Ces îlots de sénescence doivent couvrir plusieurs hectares afin de montrer leur efficacité. Entre quelques dizaines et quelques centaines d’hectares, ils ont pour effet de conserver dans leur intégralité les différents cycles de vie de l’arbre. A partir de quelques milliers d’hectares, 10 à 100 km2, la biodiversité forestière dans son intégralité (faune et flore) est conservée.

Une trame de vieux bois a fait son apparition dans les parcs français. Cette trame favorise la mise en place d’îlots de vieillissement et de sénescence pour favoriser les continuités écologiques en même temps que la biodiversité.

Sources

Focus sur les ressources en bois mort du WSL

Bois mort en rivière – Zoom nature

Section bois mort du WSL

L’importance des vieux arbres et du bois mort en forêt

La biodiversité forestière est composée d’une kyrielle d’écosystèmes différents, bien que l’Homme ait, depuis la nuit des temps, aménagé les forêts selon ses besoins. Le couvert forestier ne cesse d’augmenter ces dernières années, mais qu’en est-il de la naturalité de ces nouvelles forêts ? 

Nous le savons, les monocultures forestières ne cessent de fragiliser nos forêts, une diversité spécifique est nécessaire pour leur équilibre, de même que la conservation des vieux arbres et du bois mort. C’est sur ce dernier point que nous allons centrer notre article ainsi que celui qui suivra le mois prochain.

En effet, comme nous allons le voir, la présence des vieux arbres et du bois mort est fondamentale pour l’équilibre de nos forêts : entre 20 et 40% de la biodiversité forestière dépend à un moment de sa vie des vieux arbres et du bois mort. Ces derniers fournissent un support de vie, grâce à leurs cavités, pour de nombreux oiseaux, mammifères et insectes. La décomposition du bois est également une source de nourriture pour les champignons et autres insectes mangeurs de bois. Pourtant, en France, le bois mort est absent de près de 75% des forêts exploitées, il est 20 à 40 fois plus abondant dans les forêts naturelles.

Nous verrons également, dans le prochain article, les actions possibles pour créer un capital de bois mort en forêt et une trame de vieux bois avec l’implantation d’îlots de vieillissement, de sénescence et autres “arbres habitats”.

© Tronc de chêne en décomposition – Yoann Avril

Le vieux bois comme support de vie 

Depuis des décennies le vieux bois n’a plus sa place en forêt. Il fait désordre au sein des sylvicultures ordonnées et exploitées au maximum de leurs capacités. Les arbres sont généralement abattus autour de 100 ans, cependant les hêtres atteignent leur maturité biologique aux alentours de 250 ans et les chênes à plus de 400 ans. Les arbres n’arrivent donc pas à un stade de vieillissement, ils sont abattus dès qu’ils peuvent servir à la construction, ou encore au chauffage, alors qu’ils sont indispensables pour la santé des forêts. Sans eux, ces dernières sont appauvries et deviennent vulnérables aux aléas climatiques et perdent beaucoup en termes de biodiversité. De plus, la décomposition du bois enrichit le sol forestier en éléments minéraux.

En effet, les arbres sont de plus en plus hospitaliers en vieillissant, ils offrent le gîte et le couvert à de nombreuses espèces grâce aux aspérités qui se sont créées tout au long de la vie de l’arbre. Les espèces qui dépendent du bois mort ou des vieux arbres sont dites saproxyliques. En Europe, ces espèces représentent le quart de la biodiversité des forêts naturelles feuillues.

Il existe plusieurs catégories d’arbres qualifiés de “vieux” : les arbres à cavités dues à la décomposition du bois et aux forages des pics, les arbres vivants avec des parties mortes, et les arbres morts sur pied.

Ces “arbres habitats” sont appréciés des oiseaux cavicoles : 41% des 68 espèces d’oiseaux uniquement forestiers dépendent étroitement des cavités présentes sur les vieux arbres ou sur les arbres morts pour se reproduire.

© Pic noir (Dryocopus martius) – Alain Roux

Les espèces cavicoles primaires aménagent leurs cavités elles-mêmes dans l’arbre alors que les cavicoles secondaires ont besoin de cavités qui existent déjà. Les espèces dites primaires, essentiellement des pics, y nidifient et s’y nourrissent (en hiver 97% de leur nourriture est composée d’insectes du bois mort). Le pic noir creuse de larges loges dans des hêtres âgés de plus 100 ans qui serviront en grande partie aux cavicoles secondaires. Ces derniers peuvent être d’autres oiseaux (mésanges, gobe-mouches, rouges-queues à front blanc, chouettes…) mais également des mammifères : 33 espèces, sur les 91 qui peuplent les forêts, sont dépendantes des dendro-microhabitats des arbres (ce sont les différents petits habitats qui existent sur les arbres : les cavités, les excroissances, les blessures du bois…). Ces mammifères : lérot, écureuil, genette, martre, fouine ou encore chauve-souris, déclinent si le nombre d’abris présents n’est pas suffisant. Les chauves-souris sont les mammifères les plus inféodés aux arbres morts, et particulièrement de nombreuses espèces de noctules (de Leisler ou commune).

Ces vieux arbres sont aussi des refuges pour des insectes comme les fourmis, abeilles, frelons, ou guêpes.

© Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) – Jean-Philippe Delobelle 

La décomposition du bois, tout un écosystème ! 

Les champignons sont parmi les premiers à s’attaquer au bois mort. Ce sont des organismes xylophages : ils ont la faculté d’assimiler et de digérer la cellulose et la lignine dont est composé le bois. Les spores de champignons xylophages s’installent dans les fentes du bois et germent en créant un réseau de mycélium (appareil végétatif des champignons) qui fragmente les cellules de lignine et de cellulose ; le bois devient alors spongieux et mou ou se retrouve en fine sciure.

Il existe trois sortes de champignons décomposeurs de bois mort : la pourriture cubique, celle fibreuse et celle alvéolaire.

La pourriture cubique dite rouge décompose uniquement la cellulose, ne laissant que la lignine donnant un couleur brun-rouge aux champignons à l’instar du polypore soufré.

Celle fibreuse ou blanche, la plus répandue, mais aussi la plus aboutie, dégrade la lignine et la cellulose, donnant des tâches et une teinte très pâle au bois. Il s’agit de l’amadouvier, ou encore des pleurotes par exemple.

La pourriture alvéolaire ou tabulaire a besoin d’un microclimat humide pour décomposer la cellulose et la lignine du bois, elle est donc étroitement liée aux mousses, fougères et lichens qui peuplent les vieux arbres et le bois mort pour obtenir l’humidité nécessaire à son action de décomposition (polypore du pin par exemple).

Certains insectes ne se nourrissent pas de bois mais de ces champignons xylophages ou bien s’attaquent à d’autres insectes ou à des parasites, contribuant ainsi à la bonne santé des forêts.

© Polypores soufrés (Laetiporus sulphureus) – Bernard Dubreil

Vient le tour maintenant des insectes mangeurs de bois qui sont également des organismes xylophages. Pour commencer, plus de 2000 espèces de coléoptères sont dépendantes du bois mort. Plus il y en a, plus l’écosystème forestier est en bonne santé. Ce sont eux, à 95%, qui poursuivent la désintégration du bois ; les autres 5% sont composés de fourmis, de collemboles ou de cloportes.

Ces coléoptères dévorent le liber, ce tissu végétal, bien plus nourrissant que le bois, situé entre l’écorce et le bois, qui contient la sève de l’arbre. Ils s’en servent comme alimentation au stade larvaire. Citons par exemple les longicornes comme les rhagies qui pondent dans l’arbre, mangent le liber et s’enroulent dans des morceaux de lignine pour nymphoser.

Les larves de longicornes sont fondamentales dans la décomposition du bois car elles digèrent la cellulose (en la transformant en amidon et en sucres) ; ainsi leurs excréments sont composés uniquement de sciure de bois. 

© Rhagie inquisitrice (Rhagium inquisitor) nouvellement éclose sur tronc de pin – Steem Lund

Les charançons comme les scolytes creusent leurs galeries sous l’écorce. Ce sont ces fameux scolytes qui détruisent des pans entiers de forêts du nord-est de la France depuis 2018 : le réchauffement climatique augmentant le stress hydrique des arbres, cela permet à ces coléoptères de pulluler. Cependant, ils sont inoffensifs pour des arbres sains.

D’autres insectes profitent de l’espace maintenant libéré par le liber entre l’écorce et le bois et viennent y chercher refuge : les limaces, fourmis ou punaises.

Grâce aux galeries creusées par les larves de la multitude de coléoptères dévorant le bois mort, l’eau s’infiltre mieux dans le bois et permet le développement de nouveaux champignons. 

La microfaune du sol (mille-pattes, cloportes, vers…) et les bactéries ne vont laisser de l’arbre que du terreau. Ce terreau est rempli de minéraux nécessaires à l’équilibre des sols forestiers. Ainsi, l’arbre retourne, sous forme d’humus, nourrir les futures générations de ses congénères.

Après avoir vu l’importance des vieux arbres et du bois mort pour la biodiversité forestière, nous aborderons le mois prochain les actions mises en place pour favoriser la naturalité des milieux boisés en laissant de nouveau le bois à la forêt. 

Sources :

Livre : La vie de la forêt – Bernard Fischesser

Biodiversité et bâti : arbres morts et cavités

CPIE 60 : plaquette bois mort

CRPF Pays de la Loire : fiches le bois mort  

Le renouveau des arbres au printemps

Dès le mois d’avril, la forêt reprend ses allures verdoyantes caractéristiques de la belle saison. Les arbres feuillus sortent de leur dormance et déploient leurs feuilles : c’est l’éveil de la forêt. Au cours de vos balades, vous avez sûrement déjà remarqué comme les arbres, qui avaient l’air de s’être endormis depuis l’automne précédent, s’éveillent et s’épanouissent dès l’arrivée de la douceur printanière.

De nombreux phénomènes se produisent pour les arbres, dès le début des beaux jours : les bourgeons pointent le bout de leur nez, la germination des graines tombées des arbres l’année précédente se met en route, et les fleurs se préparent à s’ouvrir au monde. Dès la fin de l’hiver, les arbres sortent de leur état de “dormance” (voir notre article sur l’activité des arbres en hiver) grâce à des températures plus clémentes et une luminosité plus intense. L’arbre a néanmoins besoin du froid durant sa période de dormance pour que ses bourgeons puissent éclore au printemps, le débourrement ne se produira pas si l’hiver a été trop doux.

© Forêt riveraine au printemps – Breuer Wildlife

La montée de sève

Le débourrement des bourgeons est un phénomène de ramification de l’arbre. Ce dernier produit de nouvelles pousses qui prolongent les branches de l’arbre et activent la naissance des nouvelles feuilles. Ce processus est provoqué par l’afflux de sève brute. Cette sève provenant des racines est composée en grande partie d’eau et de sels minéraux. Pour faire remonter cette sève jusqu’à leurs bourgeons, les végétaux utilisent le xylème. Ce tissu, correspondant aux vaisseaux du bois, transporte verticalement la sève brute des racines jusqu’aux branches de l’arbre. Grâce à une forte différence de pression entre le sol extérieur et ce tissu xylémique, le phénomène de pression racinaire “propulse” la sève dans l’arbre par capillarité.

© Débourrement d’un bourgeon de chêne – Philippe Giraud

Pour débourrer les dernières feuilles, l’arbre utilise l’évapotranspiration. Il s’agit d’une sorte de système de pompe hydraulique qui aspire la sève vers le haut de l’arbre grâce à la dépression causée par l’évaporation de l’eau au niveau des feuilles de l’arbre. Grâce à ce phénomène, les grands arbres peuvent acheminer l’eau à plus d’une centaine de mètres.

Si vous souhaitez en savoir plus sur le débourrement des bourgeons au printemps, nous vous invitons à consulter notre article sur ce sujet.

La reproduction des arbres

La reproduction des arbres se distingue en deux catégories : celle des arbres produisant des graines (et donc des fleurs) et celle des arbres dont l’ovule est à nu, porté par des cônes (principalement des conifères). Concernant les arbres à fleurs, le pistil se transforme en fruit qui contient les graines. Pour que le fruit puisse se former, le pistil doit être fécondé par des grains de pollen. Ces derniers peuvent être transportés d’une fleur à l’autre par le vent ou par des pollinisateurs notamment. Ces modalités de pollinisation sont variables selon les espèces. C’est généralement vers la fin de l’été que les graines sont libérées et dispersées. Elles passent la saison hivernale sous cette forme et résistent au froid et à l’humidité grâce à leur forte déshydratation qui leur permettent de vivre au ralenti.

Voilà un exemple de reproduction pour deux espèces communes de nos forêts françaises : les hêtres et les chênes. Ce sont les chatons (fleurs des mâles) qui renferment le pollen. Les fleurs femelles ressemblent à de très petits glands pour les chênes et se trouvent dans des sortes de bogues pour les hêtres. Une fois libéré, le pollen acheminé par le vent rejoint les fleurs femelles qui deviendront des glands ou des faines.

© Chaton de chêne pubescent – Philippe Giraud

Dès que les chatons ont accompli leur rôle et libéré leur pollen, ils tombent et alimentent l’humus au pied de l’arbre. Une fois que les glands et faînes sont mûrs, ils tombent également au sol et servent de garde-manger pour la petite faune. Le peu de survivants donneront de nouveaux spécimens.

La germination des graines

Les graines sont déjà disséminées en automne mais nécessitent une période de froid pour entamer leur germination au printemps. La proportion des graines qui arrivent à germer est basse : 60 à 80% des glands d’un chêne n’atteindront pas le stade de la germination. Des conditions doivent être réunies pour que cette germination soit optimale et finisse par donner un nouvel arbre. La graine doit avoir suffisamment d’oxygène, de chaleur et d’humidité pour se développer. Avec l’arrivée du printemps et des températures de plus en plus favorables, la graine gonfle, une racine minuscule se développe et se fige dans le sol, une tigelle pousse vers le ciel et les premières feuilles apparaissent.

© Germination faine de hêtre – Denis Bringard

Le soleil conditionne le développement de la jeune pousse : elle vivait jusque-là sur ses réserves mais doit dorénavant se faire sa place pour capter les rayons du soleil nécessaires à son développement. Les arbres nécessiteront de nombreuses années de croissance avant de pouvoir à leur tour se reproduire. Il faudra 40 ans pour que le hêtre donne ses premières fleurs et cela ne se produira que tous les 5 à 10 ans.

Retrouvez les portraits du hêtre, du saule, du chêne et bien d’autres encore dans les missions d’apprentissage de l’Observatoire de la Biodiversité de la Forêt !

Sources

Futura-Sciences – Bourgeons au printemps

Ecotree Green – Les arbres au printemps

Au jardin – Comment la sève monte dans les plantes

Fondation Lamap – Biologie végétale : fonctions de reproduction

Office National des Forêts – Influence du printemps sur l’arbre

Les cévennes citoyennes

Les parcs nationaux ont été pensés pour protéger la biodiversité du territoire et permettre d’accroître les connaissances scientifiques de la faune et de la flore française. Le premier parc voit le jour en 1963 en Savoie ; il s’agit de celui de la Vanoise. De nos jours, il en existe 11 répartis dans toute la métropole et les départements d’outre-mer, représentant 8% du territoire.

Nous nous intéresserons aujourd’hui au parc national des Cévennes qui a vu le jour en 1970. Il se situe au sud du Massif central, en moyenne montagne, sur une surface de plus de 2 700 km² (cœur du parc). Le parc national des Cévennes se décompose en 5 massifs : le Mont Aigoual recouvert à plus de 70% de forêt, le plateau calcaire du Causse Méjean, les vallées et le Piémont cévenols (milieux les plus anthropisés) et le dernier et non des moindres, le Mont Lozère, point culminant du parc. Nous vous faisons découvrir aujourd’hui cette enclave de biodiversité, classée au patrimoine mondial de l’Unesco en tant que réserve de biosphère depuis 1985.

L’Observatoire des Forêts compte sur vous pour partir à la recherche des espèces du parc !

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© Le Causse de la Cham des Bondons – Jean-Philippe Delobelle

Milieux naturels et biodiversité du parc

Le parc national des Cévennes est riche de plus de 168 milieux naturels différents. Partez à la découverte des forêts de feuillus et de résineux, observez les torrents emportant des éboulis rocheux sur leur passage, n’oubliez pas de visiter la multitude de réseaux souterrains et laissez-vous surprendre par les quelques 1 000 tourbières du parc qui jouent un rôle clé dans l’équilibre des écosystèmes. Le parc est situé en moyenne montagne avec des variations d’altitude allant de 117 m à Anduze jusqu’à 1 699 m pour le mont Lozère. Avant de devenir un parc national, la région du massif central sud était essentiellement composée de pâturages et de roches, la faute à une surexploitation des ressources.

Des millions d’arbres ont été plantés afin de pallier le manque de biodiversité ainsi que l’appauvrissement des sols. 21% des forêts du parc sont considérées comme “forêt ancienne” (présente depuis au moins 150 ans). Sur le plateau du Causse Méjean, situé à l’ouest du parc, il existe près de 630 grottes et cavités, certaines sont accessibles au public, d’autres nécessitent des qualités de spéléologie pour les découvrir.

L’eau est un élément incontournable du parc ; plus de 2 000 zones humides ont été recensées. Ces milieux sont précieux pour notre planète : ce sont des refuges de matières organiques, ils représentent 0,5% des terres mais contiennent 30% des matières organiques. Ils stockent également une grande quantité de carbone et alimentent les nappes phréatiques et donc contribuent à la réduction des sécheresses (courantes dans la région). Additionnés au 1 000 km de cours d’eau qui sillonnent la réserve, on peut dire qu’il y a de bonnes chances que le parc fasse de vieux os !

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© Cascades des runes – Michel Cavalier

Grâce à cette grande diversité, de nombreuses espèces peuplent les contrées cévenoles. Le parc compte près de 45% des vertébrés de France mais aussi de nombreux oiseaux nicheurs et plus de 2 000 espèces d’invertébrés. Ces derniers représentent près de 85% de la faune du parc ! Selon l’UICN, 42 espèces du parc sont considérées comme menacées et font l’objet d’une attention toute particulière. Le parc a réalisé de nombreuses actions de réintroductions d’espèces depuis sa création. Le vautour moine (Aegypius monachus) et le vautour fauve (Gyps fulvus) ont pu à nouveau survoler les Cévennes à l’instar du cerf élaphe (Cervus elaphus) et de la loutre d’Europe (Lutra lutra) même si eux, ne volent pas !

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© Vautours fauves au Causse Méjean – Dominique Delfino

Le parc abrite de nombreuses espèces de papillons, preuve de sa biodiversité variée. Parmi lesquelles l’Apollon (Parnassius apollo), un papillon présent sur la liste rouge de l’UICN. Il y est fréquemment observé, bien que le réchauffement climatique menace sa fragile population. C’est généralement une espèce emblématique du climat montagnard et dépendante de l’orpin blanc (Sedum album) nécessaire au développement des chenilles.

Le petit Paon de nuit (Saturnia pavonia) a quant à lui été vu à de rares occasions dans les hauteurs du parc. Cependant en journée, vous ne pourrez croiser que le mâle, qui est capable de percevoir les phéromones de sa dulcinée à des kilomètres ; la femelle quant à elle est toujours nocturne !

Avec un peu de chance vous aurez également l’occasion d’observer les couleurs chatoyantes du Pacha à deux queues (Charaxes jasius), en effet il apprécie particulièrement la garrigue dont le parc est couvert. C’est une espèce friande de fruits bien mûrs et fermentés !

Les portraits de ces trois espèces sont à retrouver dans le Guide de terrain des papillons des jardins, des prairies et des champs.

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© Pacha à deux queues (Charaxes jasius) – Michel Rauch

La variété du paysage ainsi que les variations climatiques favorisent également l’implantation d’une importante diversité de végétaux. Ce sont plus de 11 000 espèces qui sont recensées à ce jour dans le parc (fougères, mousses, lichens, champignons…).

Vous trouverez sur l’Atlas de la faune et la flore du parc national des Cévennes les dernières observations naturalistes qui ont été réalisées ainsi qu’un inventaire des espèces du territoire.

Les visiteurs du parc à la rescousse avec le micro-projet Pl@ntNet Cévennes

Le parc national des Cévennes a pour but d’inclure les citoyens dans la démarche d’identification de la flore locale et dans le recensement d’espèces sur le territoire. La Société Botanique d’Occitanie a donc développé une plateforme scientifique citoyenne, en partenariat avec l’application Pl@ntNet, pour permettre aux visiteurs du parc national des Cévennes d’identifier grâce à leurs téléphones et à l’intelligence artificielle de l’application les végétaux du parc. En effet, le parc ne bénéficie pas suffisamment de personnes qualifiées pour développer la connaissance de sa flore. Il est par ailleurs compliqué pour des citoyens non-naturalistes d’identifier correctement une plante sans aide externe.

La plateforme Pl@ntNet choisie pour relever ce défi existe depuis une dizaine d’années et permet d’identifier automatiquement à l’aide de photos une espèce végétale. Pour le micro-projet Pl@ntNet Cévennes, une plateforme dédiée a été créée avec une liste complète des noms d’espèces de plantes terrestres de la région cévenole (près de 2 400). L’application permet à l’aide d’une photo d’identifier la plante, d’avoir accès à son statut de conservation, à des fiches descriptives et aux usages de l’espèce.

Depuis le lancement de l’application en juin 2020, plus de 135 000 requêtes d’identification ont été recensées. Les contributeurs ont observé près de ⅔ des espèces présentes sur la plateforme et leurs travaux permettent aux gestionnaires du parc d’avoir des données sur sa flore en temps réel. L’initiative n’étant qu’à ses débuts, les requêtes vont également contribuer à soutenir les actions de gestion du parc. Le parc national des Cévennes est un des pionniers dans ce genre d’expérimentation et sera, certainement rejoint par nombre d’autres parcs ou réserves. Vous pouvez retrouver ici la liste des espèces de l’initiative citoyenne.

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© Flore sauvage parc national des Cévennes – Régis Domergue

Partez à la découverte de la flore cévenole, de ses papillons d’altitude sans oublier les 42 espèces de l’Observatoire des forêts (lien) !Et comme l’a dit Robert Louis Stevenson en 1895 lors d’un séjour dans les Cévennes : “Ici nous touchons à l’un des hauts lieux de l’humanité” !

Sources :

Parc national des Cévennes

Parc national des Cévennes – Biodiversité

Contribution citoyenne au suivi de la flore du parc national des Cévennes – SBOCC

Sur la piste des animaux

Quand on se balade en pleine nature, il n’est pas aisé d’observer des animaux sauvages. N’ayant pas l’habitude de l’Homme, ils ont tendance à se cacher ou à fuir, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas là. Les traces qu’ils laissent derrière eux nous le prouvent !

Les principales traces auxquelles on pense sont celles laissées par les pattes, comme nous l’avons vu ici. Et pourtant, les empreintes des animaux ne sont pas les seuls indices de leur passage… Tout comme nous, ils se nourrissent et font leurs besoins, ils grandissent, leur peau se renouvelle, et ils ont un endroit où s’abriter et dormir. Et pour chacune de ces choses, on peut trouver des traces.

Les traces et restes de nourriture

Les animaux peuvent laisser différentes traces lorsqu’ils se nourrissent : des herbes et des branches broutées, des restes de fruits, le sol fouillé… Par exemple, le sanglier fouille la surface du sol à la recherche de larves, vers et racines : il crée ainsi des tas de terre retournée, qu’on appelle des vermillis. S’il laboure le sol plus en profondeur, on nomme cela des boutis. D’autres animaux se nourrissent de fruits et laissent derrière eux ce qu’ils ne mangent pas. Ainsi, pour une pomme de pin par exemple, on peut essayer de déterminer qui l’a mangée : un écureuil l’épluche quasi entièrement alors qu’un pic le fait de façon éparse, un lapin ronge la pomme de pin sur une partie seulement tandis que le mulot le fait sur son ensemble. Certains animaux, par leur toute petite taille, percent un petit trou dans le fruit pour pénétrer dans sa chair et le dévorer de l’intérieur, comme un balanin fait avec un gland ou un petit ver dans une pomme. Si vous trouvez un lot de fruits enterrés (glands, noisettes, noix, etc.), il peut s’agir d’un stock fait par un écureuil pour préparer l’hiver.

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© Écureuil en train de manger un gland – Juniors / P. Frischknecht

Les excréments

Après digestion de leur nourriture, les animaux défèquent et laissent derrière eux des matières fécales qui peuvent nous renseigner sur leur identité. En effet, les excréments ne se ressemblent pas tous, ainsi il est possible de savoir qui en est à l’origine. Les plus faciles à reconnaître sont les turricules, des petits tortillons de terre que les vers de terre rejettent à la surface du sol. Le hérisson fait des crottes allongées, tandis que celles du lièvre sont rondes. Chez le chevreuil, les crottes sont appelées « moquettes » : elles sont relativement petites et ont une forme ovale avec une pointe à chaque extrémité. Chez le cerf, ces crottes, nommées « fumées », sont plus grandes et plus agglomérées. Le sanglier, quant à lui, fait des crottes dont la forme et l’aspect peuvent varier avec la saison et la nourriture : une forme de boudins agglomérés en hiver, et des boules verdâtres ou noires le reste de l’année. De nombreux animaux font des crottes nommées « laissées » : celles de la belette sont longues et fines tandis que les laissées du renard sont allongées et présentent des restes de sa nourriture, comme par exemple des os ou des noyaux de fruits. Les excréments des oiseaux se présentent sous forme de fientes, mais certaines espèces d’oiseaux, dont les rapaces, rejettent également ce qu’on appelle des pelotes de réjection : ce sont des boulettes de débris non digérés (poils, plumes, os, noyaux…) qu’ils régurgitent.

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© Turricules de ver de terre – Sylvain Cordier

Les mues

Certains animaux subissent un phénomène de renouvellement de leur corps : c’est la mue. Cela peut être lié à la croissance de l’animal ou à son âge, mais également au changement de saison. Chez les mammifères, la mue correspond au renouvellement du pelage de l’animal afin de l’adapter au mieux aux saisons. Ainsi, on peut retrouver des pelotes de poils perdues par un mammifère en pleine mue, notamment lors du passage de l’hiver à la saison plus douce. Par ailleurs, pour les cervidés, la mue correspond également à la perte des bois ou du velours des bois. Les oiseaux, eux, perdent leurs plumes et les renouvellent. Parfois, ces plumes qu’ils laissent derrière eux permettent de les identifier. C’est le cas par exemple des plumes présentant une alternance de bandes bleues et noires, caractéristiques des plumes des ailes de geais. Chez les arthropodes, la mue permet un renouvellement de leur cuticule et est nécessaire à leur croissance. Si vous trouvez un insecte immobile et que son corps semble transparent, il est probable que vous soyez en présence d’un exosquelette d’un insecte qui a mué ! Les serpents et lézards aussi, du fait d’une croissance continue tout au long de leur vie, muent en renouvelant leur peau : chez les serpents, cette mue se fait sur l’ensemble du corps en une fois, tandis que pour les lézards, elle se fait par plaques sur une ou plusieurs parties du corps à la fois.

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© Bois de cerf – José-Luis Gomez de Francisco

Les habitations

Une autre façon de savoir qu’un animal est dans les parages est de trouver son habitation. En effet, les animaux ne s’éloignent jamais trop de leur maison. Mais encore faut-il savoir la reconnaître ! Il est aisé d’identifier un barrage construit par un castor : c’est un amassement de branches sur toute la largeur d’une rivière qui peut ralentir l’écoulement de l’eau. De même, les nids de branches appartiennent aux oiseaux, et leur emplacement et leur taille peuvent renseigner sur le propriétaire : de très grands nids de plus d’un mètre de diamètre, si vous êtes dans l’est de la France, sont la marque de la présence de cigognes. Une cavité dans un tronc d’arbre peut être le nid d’un pic ou d’un autre oiseau s’y étant installé. Plusieurs petits tas de terre, dans votre jardin par exemple, peuvent vous indiquer la présence d’une taupe qui vit sous vos pieds. Ou encore, un ou plusieurs grands trous dans la terre, souvent au niveau d’un talus ou d’une butte, peuvent être les entrées d’un terrier de renards ou de blaireaux.  Il n’est pas facile de savoir quelle espèce occupe un terrier car les renards s’installent souvent dans des anciens terriers de blaireaux.

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© Barrage de castor – Rémi Masson

D’autres traces…

Enfin, d’autres traces peuvent indiquer le passage d’un animal : des traces de griffes sur un tronc peuvent avoir été faites par un félin rôdant dans les parages ; les cervidés peuvent se frotter contre les troncs et arracher à cette occasion des morceaux d’écorce ; des traces de boue sur les arbres sont laissées par les sangliers qui s’y frottent après s’être vautrés dans des souilles (flaques boueuses) ; des troncs d’arbres sont taillés en pointe par les castors, etc.

Il y a donc de nombreuses façons de suivre les traces d’un animal, mais il faut avoir les yeux grands ouverts et être attentif au moindre signe. Avoir quelques connaissances est également utile pour ne pas se méprendre sur des indices qui n’en seraient pas ou sur l’identité des animaux. Si pister des animaux vous tente, de nombreux ouvrages et guides peuvent vous renseigner sur tous types de traces animales, comme le « Guide des traces d’animaux – France et Europe » de Muriel Chazel et Luc Chazel. Maintenant, vous avez les outils de base pour partir sur leur piste. Ouvrez l’œil, soyez patient et les surprises viendront à vous !

Sources :

Parc Animalier La Garenne (Suisse) – Traces et indices

Muséum de Genève (Suisse) – Dossier pédagogique : sur la piste des animaux sauvages

Bourgogne Nature – Mille et une traces en forêt…

Wikipédia – Mue