Toute la matière de la forêt est produite à partir de l’énergie de la lumière du soleil et de la richesse du sol. Cette énergie est récupérée par les arbres et plantes, qui construisent la forêt avec leur « corps ». Une multitude d’organismes prospèrent dans cet habitat et s’échangent constamment de l’énergie sous forme de nutriments, qui sont selon les espèces, des végétaux, d’autres espèces vivantes ou leurs cadavres.
Dans la forêt, on observe deux processus complémentaires : la formation de matière organique à partir de l’énergie solaire et de minéraux, et la décomposition de cette matière en minéraux pour réenrichir les sols. C’est un cycle constant de complexification et de simplification de molécules. Les animaux sont faits de molécules complexes qui s’assemblent au sein de leur organisme pour construire et faire fonctionner leur corps. Ils sont élaborés à partir d’éléments simples présents dans l’environnement, et de composées complexes qu’ils trouvent dans leur alimentation. Les organismes du sol vont réduire ces composés en éléments simples utilisables par les végétaux.
Au-dessus du sol, la chaîne alimentaire de la matière organique
Les nombreuses espèces de la forêt cohabitent dans un même espace. Chaque population est régulée par une autre espèce ou un autre groupe. Ainsi, chaque espèce possède sa niche écologique : son rôle qu’elle remplit inconsciemment en vivant dans son habitat. Par exemple, les insectivores contrôlent la population d’insectes et limitent leur prolifération.
Afin de trouver de l’énergie dans leur environnement, les êtres vivants se mangent entre eux. On peut construire un cycle de consommation entre les espèces : la chaîne alimentaire. Les différents acteurs de consommation sont triés en plusieurs catégories en fonction de leur rôle :
- Les producteurs primaires sont les végétaux chlorophylliens, capables de réaliser la photosynthèse. Ils ne consomment pas d’êtres vivants pour obtenir de l’énergie et croître. Ils sont le premier maillon de la chaîne alimentaire terrestre, la cible des animaux.
- Les consommateurs primaires sont les herbivores et les granivores. Ils vont se nourrir des végétaux, bourgeons, feuilles, jeunes pousses, sève, fruits… On y retrouve par exemple certains oiseaux, les écureuils, les chevreuils, certains insectes se nourrissant de feuilles comme les chenilles, ou les abeilles et les papillons amateurs de nectar.


Gelinotte des bois mangeant des chatons de Saule marsault, Vosges, France
© Fabrice Cahez, Bruno Mathieu / Biosphoto
- Les consommateurs secondaires sont les prédateurs. Leurs proies sont les consommateurs primaires ou d’autres prédateurs. On y retrouve aussi bien les rapaces, les renards et les lynx que les hérissons, les putois, les fourmis ou la salamandre tachetée.


Hérisson essayant d’attraper un escargot France
© Régis Cavignaux, Frank Deschandol & Philippe Sabine / Biosphoto
On peut observer différentes chaînes alimentaires qui sont très courtes au sein de la forêt. Par exemple, la graine, qui se fait manger par le rongeur, mangé par le hibou, est une chaine complète. Ces relations inter-espèces assurent la distribution de l’énergie aux groupes d’espèces et le contrôle constant des populations de proies et de prédateurs. Un déséquilibre grave peut être engendré par la disparition d’un maillon : prolifération des espèces en amont, et mise en danger des espèces en aval.
Voici quelques exemples : la disparition d’un grand prédateur, le dernier maillon de sa chaîne, entraînera la perte de la régulation des consommateurs secondaires ou primaires dont il se nourrissait. Cette ou ces espèces vont alors se multiplier et consommer davantage les espèces les précédant dans la chaîne. Par exemple, la disparition du loup entraîne la multiplication des herbivores qui vont consommer beaucoup plus de plantes qu’auparavant. La conséquence serait la difficulté des plantes à subsister. De la même manière, si un consommateur primaire disparaît, ses prédateurs risquent la famine, et les producteurs vont proliférer. Si un producteur disparaît, toutes les espèces de sa chaîne alimentaire seront en danger.
Le recyclage en profondeur
Le sol peut être découpé en une succession de couches, appelées horizons, de composition différente : la matière organique non décomposée (feuilles mortes, carcasses), l’horizon de dégradation, l’horizon minéral enrichi en matière organique, l’horizon enrichi en fer et en aluminium, et l’horizon au contact de la roche altérée. Chaque couche est caractérisée par un ensemble de conditions (acidité, température, humidité, éléments) favorables à des espèces particulières et spécifiques.
Tout ce que la forêt produira se retrouvera sur le sol : feuilles, fruits, cadavres d’animaux, arbres effondrés. Tous ces débris seront attaqués instantanément par des organismes plus ou moins petits : des vers de terre aux minuscules organismes unicellulaires, bactéries et champignons invisibles, qui vont transformer les molécules organiques complexes en éléments simples.
Une deuxième chaîne alimentaire débute là, à partir des restes d’êtres vivants. Les premiers consommateurs de matière organique sont eux aussi consommés à leur tour par de petits carnivores.

© Marek Mis / Photo Researchers / Biosphoto
L’issue de cette chaîne alimentaire microscopique est le retour à la terre de ce que la forêt a initialement prélevé par les arbres : les minéraux. Ils sont alors à nouveaux mis à disposition des végétaux ancrés dans le sol pour que ce dernier ne s’épuise pas. Ainsi, le corps des animaux est libéré de sa chair, et les os vont progressivement être réduits et intégrés dans le sol.

© David Allemand / Biosphoto
La quasi-totalité des feuilles d’une année est décomposée en un an. Le peu restant est bien plus difficile à détruire ; les restes améliorent la porosité et la perméabilité des sols.
Le sol des forêts est le facteur le plus important de leur croissance. C’est un réservoir de nourriture minérale, le support d’ancrage des arbres, il sert à la rétention d’eau et propose argiles et aération. La pluie permet aux éléments de pénétrer en profondeur, assurant un mélange progressif des couches.
Plus le sol est fertile, plus les arbres sont hauts. La forêt aura des difficultés à se développer sur un sol friable ou trop dense.
Les êtres vivants de la forêt sont majoritairement composés de la faune du sol. Il ne pourrait pas y avoir de forêt sans ces organismes qui maintiennent la terre en vie.
L’immense biodiversité de la forêt n’est pas un hasard, chaque espèce a sa place dans une chaîne alimentaire et un rôle autour de son habitat, permettant de réguler une population par la prédation, ou d’aider à la reproduction d’une autre inconsciemment, via la pollinisation par exemple.
Crédit de la photo principale : Écureuil roux mangeant sur une souche au printemps France © Guy Piton / Biosphoto
Sources :
- Sueron, C., 1997. La vie de la forêt. Collection Les hommes et la nature, Éditions Office national des forêts. 47p.
- CABRERA Édouard. 2022. Qu’arrive-t-il à la chaîne alimentaire lorsqu’une espèce disparaît ? (traduit de l’espagnol), Equilibrium.
- SCALA Bruno. 2011. La disparition des grands prédateurs mène à la catastrophe…, Futura sciences.
- Rotifera , Wikipédia France