Le printemps approche, la nature sort de sa torpeur : il est temps de partir en forêt à la recherche de nouvelles espèces ! Pour cette saison, nous vous proposons de découvrir un papillon et un reptile.
La Grande Tortue (Nymphalis polychloros)
Lors de vos promenades printanières, peut-être croiserez-vous un grand papillon de couleur rousse, avec des taches noires, une bordure sombre et des lunules bleues le long des ailes postérieures. Il s’agit de la Grande Tortue, qui sort de sa léthargie hivernale dès le retour des beaux jours. Vous pourrez l’observer en train de butiner des chatons de saules, de se nourrir d’écoulements de sève, de fruits très mûrs ou encore d’excréments.
La deuxième espèce que nous vous proposons de découvrir est beaucoup plus discrète : il s’agit de l’Orvet fragile, un lézard apode (qui n’a pas de pattes) mesurant entre 30 et 50cm de long, possédant une petite tête avec un museau conique et arrondi, et dont la peau a un aspect lisse et brillant. Il est actif principalement le matin et en fin de journée, lorsque la météo est humide et peu ensoleillée.
Trois missions ont été closes à la fin de 2022 : les quêtes du Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata) et du Morio (Nymphalis antiopa), lancées au printemps, et la quête de la Langue de bœuf (Fistulina hepatica), lancée à l’automne.
À partir des données que vous avez récoltées, nous avons pu confirmer la présence de ces espèces dans de nombreuses communes où elles n’avaient pas été observées auparavant, ainsi que dans deux nouveaux départements pour la Langue de bœuf.
La mission de la Langue de bœuf a compté plus de participants que l’année précédente, merci à tous les observateurs !
Pour plus de détails, voici les bilans de ces « Missions forêt » :
Nous vous donnons rendez-vous au printemps pour l’ouverture de nouvelles quêtes ! En attendant, n’hésitez pas à participer aux trois quêtes en cours : la Salamandre tachetée, le Polypore soufré et l’Élégante striée.
Entre le mois de juin et le mois de septembre, Noé vous a proposé de partir à la découverte de deux espèces de papillons estivales et présentes dans nos forêts : la Bacchante (Lopinga achine) et le Grand Mars changeant (Apatura iris).
Les données récoltées ont permis de compléter les connaissances sur ces espèces, en attestant par exemple leur présence sur des communes où elles n’avaient jamais été observées.
À noter également une observation de Bacchante qui vient confirmer la présence d’une population fonctionnelle dans le département des Alpes de Haute Provence, où elle avait été déclarée éteinte en 2014 et où elle recommence à être observée ces dernières années.
Pour plus d’informations, découvrez les bilans de ces deux missions !
Les saisons changent et les missions aussi ! Cette année, nous rouvrons les deux quêtes automnales de l’année dernière : la Langue de boeuf et la Salamandre tachetée.
La Langue de boeuf (Fistulina hepatica)
Le chapeau de la Langue de boeuf est épais et peut mesurer jusqu’à 25 cm de diamètre. Il est d’une couleur rouge sombre. La Langue de boeuf peut être trouvée sur les vieux chênes et châtaigniers. Elle a une texture molle, le dessus brillant pouvant parfois sécréter un liquide rouge. Sa surface inférieure est formée de petits tubes collés les uns contre les autres formant des pores. Ces tubes sont indépendants les uns des autres et peuvent être écartés. Les plus jeunes sont comestibles.
La salamandre tachetée est un amphibien discret pouvant mesurer jusqu’à 20 cm de long. Son corps est noir, recouvert de taches jaunes irrégulières. Sa peau est lisse et brillante. Elle a le museau rond et des yeux très noirs. Elle aime sortir en temps humide, et sera donc observable pendant ou suivant un épisode pluvieux.
Cet été, nous vous faisons partir dans le cadre de nos quêtes estivales à la chasse à l’empereur pourpre, comme nos amis anglophones l’appellent, ce papillon impressionnant de par sa taille et ses reflets bleu profond.
Une allure d’un bleu royal
L’imago du Grand Mars changeant (Apatura iris) est caractérisé par ses grandes ailes noires aux reflets bleu-violet irisés. Cette couleur est obtenue chez les mâles grâce à la forme de leurs écailles, qui diffractent la lumière du Soleil pour donner cet aspect métallique.
Sur le dessus des ailes postérieures, il est caractérisé par une grande bande blanche post-discale et un unique ocelle submarginal cerclé d’orange. Ses ailes antérieures présentent de petites taches blanches.
Il se différencie du Petit Mars changeant grâce au dessous de ses ailes, très peu marqué chez ce-dernier. Les ailes antérieures arborent plusieurs couleurs de base : le brun, l’ocre, le noir et l’argent. De petites taches blanches discales et post-discales les recouvrent accompagnées d’un grand ocelle noir avec un halo fauve pupillé de blanc. L’aile postérieure quant à elle est argentée, une bande blanche indentée avec un halo brun la traverse. Le petit ocelle du dessus de l’aile est aussi visible en dessous.
Le Grand Mars changeant vole de juin à août en une seule génération. Il aime les grands arbres situés autour des routes forestières, des clairières, en bord de lacs ou de rivières. Il affectionne tout particulièrement les saules dont fait partie sa plante-hôte, le saule marsault (Salix caprea). On peut également le trouver sur des peupliers et sur le saule à oreillettes (Salix aurita). Plutôt que de se nourrir de fleurs, le Grand Mars changeant préfère la sève d’arbres, les excréments d’animaux, les charognes, la sueur ou encore les fruits fermentés. Il semble attiré par les fortes odeurs, un comportement qui contraste avec son allure majestueuse.
Les mâles sont territoriaux et sont attentifs à la présence de femelles depuis le haut de leurs arbres. Ils réalisent parfois des patrouilles pour les trouver. Une femelle déjà fécondée sait très bien les éviter.
Les œufs sont pondus sur le dessus des feuilles de saule et donnent naissance à de petites chenilles vertes. Après leurs premières mues, on pourra observer des cornes sur leur tête. Lorsque l’automne arrive, la chenille conserve sa feuille en l’attachant avec des soies, pour qu’elle ne tombe pas et qu’elle puisse continuer à s’en nourrir. C’est un moyen de repérer les plantes-hôtes. Le Grand Mars changeant ne migre pas, ses chenilles hibernent au stade 2 ou 3. A ce moment-là, elles se positionnent sur une branche de saule et attendent la fin de l’hiver sans protection. Elles ont alors une couleur semblable à celle de l’écorce pour se camoufler.
A l’arrivée du printemps, les chenilles se réveillent et reprennent des forces en se nourrissant des nouveaux bourgeons. Elles commencent leur nymphose sous une feuille de saule. La chrysalide est verte, similaire à la feuille, permettant un très bon camouflage.
Les prédateurs du Grand Mars changeant sont les mésanges, qui ciblent les chenilles, et Psilomastax pyramidalis, une guêpe parasitoïde qui infeste les chenilles et les tue lors de la nymphose.
Un papillon plus commun qu’on pourrait le croire
L’espèce est assez étendue, présente de l’Europe à l’Asie, jusqu’au Japon, en évitant la Méditerranée. Elle est en revanche menacée par la fragmentation de son habitat et la culture industrielle de peupliers, moins robustes. La coupe de ces arbres empêche à cette espèce territoriale de prospérer.
Ce papillon est répertorié en liste rouge dans quelques régions de France sous préoccupation mineure, il est notamment presque menacé en Picardie, dans le Poitou-Charentes et en Occitanie.
Répartition actuelle en France métropolitaine / Fiche de Apatura iris / INPN
Vivant au sommet de grands arbres, les populations sont souvent très sous-estimées, il est difficile à observer et donc à surveiller. Vos observations seraient d’une grande aide pour leur protection.
Sources :
MNHN & OFB [Ed]. 2003-2022. Fiche de Apatura iris (Linnaeus, 1758). Inventaire national du patrimoine naturel (INPN). Site web : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/53786 – Le 20 juillet 2022
Grand Mars changeant. Wikipedia France, Le 15 juillet 2022
Dozières, A. et al., 2017. Papillons des jardins, des prairies et des champs. Guide de terrain pour les Observatoires de sciences participatives. 141p.
Lafranchis, T. et al., 2015. La vie des papillons. Éditions Diatheo. 751p.
Lafranchis, T., 2000. Les Papillons de jour de France,Belgique et Luxembourg et leurs chenilles. Collection Parthénope, éditions Biotope, Mèze (France). 448p.
Cet été, lors de vos promenades forestières, ouvrez l’œil : peut-être aurez-vous la chance d’apercevoir une Bacchante ! Ce joli papillon marron, en fort déclin depuis le XXe siècle est à rechercher dans le cadre d’une des deux quêtes estivales de notre Observatoire de la Biodiversité des Forêts, disponibles sur l’application smartphone INPN Espèces. N’hésitez donc pas à le prendre en photo et à nous transmettre vos observations !
Des ocelles caractéristiques
D’une envergure moyenne de 5 à 6cm, la Bacchante est un papillon de couleur gris-brun sombre, possédant des motifs caractéristiques sur les deux faces de ses ailes. Le dessus a une série de grands ocelles submarginaux gris sombre cerclés de jaune, tandis que le dessous présente des ocelles noirs pupillés de blanc et cerclés de jaune et de noir. Ils sont inclus dans une large bande blanche, elle-même bordée à l’extérieur par deux étroites bandes jaune ocre.
Prenez garde toutefois, une observation rapide peut amener à le confondre avec d’autres espèces !
En vol, il pourra être confondu avec le Myrtil (Maniola jurtina) ou avec le Tristan (Aphantopus hyperantus). Le Myrtil a lui aussi un aspect brun, bien que les femelles soient plus orangées, mais ne présente pas de séries d’ocelles sur le dessous ni sur le dessus.
Le Tristan, comme le Myrtil, ne possède pas de bande claire sur le revers des ailes postérieures, et les ocelles du dessus de ses ailes sont plus petits que ceux de la Bacchante.
La Bacchante peut aussi être confondue avec les espèces du genre Coenonympha (genre auquel appartiennent les Fadets), dont certaines présentent une série d’ocelles et une bande claire sur le revers des ailes. Pour les distinguer, prêtez attention à la couleur du papillon : les Coenonympha ont la plupart du temps des teintes orangées tandis que la Bacchante est brune. De plus, le revers de l’aile antérieure des Coenonympha présente souvent un seul ocelle ou pas d’ocelle, tandis que la Bacchante a une série d’ocelles en bordure de cette aile.
La Bacchante vole de juin (parfois mi-mai) à fin juillet en une seule génération. Le papillon vit environ deux semaines. Il vole peu et se pose souvent dans le feuillage bas. Il apprécie la sève qui s’écoule des blessures des arbres mais aussi les excréments d’animaux et vient boire autour des flaques d’eau. À l’occasion, il butine également des fleurs de ronce ou de cerfeuil sauvage. Après l’accouplement, la femelle lâche une quarantaine d’œuf un à un, au rythme d’une dizaine par jour. Les œufs, de couleur verte ou blanchâtre, incubent en dix à douze jours. La chenille se nourrit de diverses Poacées (principalement des Brachypodes et des Molinies) et de Laîches. Elle grandit lentement de juillet à octobre, puis hiverne dans la litière jusqu’au printemps, où elle reprend une croissance plus rapide pour se nymphoser en mai. La chrysalide est suspendue dans la végétation basse et le papillon adulte en émergera deux à trois semaines plus tard.
La Bacchante est présente du nord de l’Espagne au Japon, en passant par l’Europe centrale, la Russie et la Sibérie.
En France, il s’agit de l’un des papillons qui s’est le plus raréfié au cours du XXe siècle ; elle est d’ailleurs classée quasi menacée dans la Liste rouge des papillons de jour de France métropolitaine.
Ainsi, elle est très localisée mais parfois abondante dans l’Est (Bourgogne, Jura, Préalpes du nord). Elle a disparu de la région Ile de France, où elle était encore commune au XIXe siècle, ainsi que de Normandie, d’Auvergne et de pratiquement tout l’Ouest et le Centre. Elle vit le plus souvent en petites populations isolées, très dispersées dans la moitié sud. À noter également, la Bacchante est protégée sur l’ensemble du territoire métropolitain !
Son déclin est fortement lié à la disparition de son habitat. En effet, elle fréquente les lisières, clairières et bois clairs à strates herbacée et arbustive développées et diversifiées, jusqu’à 1100m d’altitude. La Bacchante a besoin de lumière, de chaleur, d’une bonne richesse en herbacées mais aussi d’un couvert arborescent lâche.
Ainsi, l’abandon des pratiques comme le pâturage extensif des bois clairs ou le traitement en taillis sous futaie lui est fortement préjudiciable car les buissons envahissent les clairières, entraînant la disparition des plantes et animaux forestiers dépendants de la lumière et de la chaleur. La Bacchante est également impactée par le goudronnage des chemins forestiers, la fauche inadaptée des lisières, la destruction des linéaires de haies…
Il est à noter que ce papillon se déplace peu, rarement plus de 100m, et les échanges entre populations sont limités si elles sont éloignées de plus de 700m. Ainsi, il est particulièrement impacté par la fragmentation des habitats, qui rompt les échanges entre les populations. Les grandes cultures, par exemple, sont pour lui un obstacle difficilement franchissable.
Ainsi, pour aider à la conservation de la Bacchante, il est nécessaire d’entretenir les sous-bois en maintenant une ouverture suffisante. Les stations identifiées doivent être maintenues, mais il faut également porter une attention particulière aux corridors permettant les échanges d’individus entre populations. Pour en apprendre plus sur les corridors écologiques, leurs intérêts et connaître des gestes simples à mettre en place chez soi pour y contribuer, nous vous invitons à découvrir cet article.
Sources :
Jacquot P., 2012. Les papillons menacés en Franche-Comté. Bacchante Lopinga achine (Scopoli, 1763). Union européenne, Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Franche-Comté, Conseil régional de Franche-Comté. 2 p.
Lafranchis, T., 2000. Les papillons de jour de France, Belgique et Luxembourg et leurs chenilles. Collection Parthénope, éditions Biotope, Mèze (France). 448p.
Lafranchis, T. et al., 2015. La vie des papillons. Écologie, Biologie et Comportement des Rhopalocères de France. Éditions Diatheo. 751 pages. Ryelandt J., 2016. Fiche technique d’aide à la gestion et à l’entretien des biotopes de la bacchante Lopinga achine (Scolopi, 1763). CBNFC-ORI. 8 p.
Ryelandt J., 2016. Fiche technique d’aide à la gestion et à l’entretien des biotopes de la bacchante Lopinga achine (Scolopi, 1763). CBNFC-ORI. 8 p.